D’après une étude largement relayée hier dans la presse, une centaine de festivals ont purement et simplement été annulés pour cette année, notamment faute de moyens de la part des communes qui les accueillaient. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a fait mine de s’étonner de cette situation, qui semble pourtant n’avoir rien d’inattendu.
C’est une médiatrice culturelle de Valenciennes qui a eu l’idée, en constatant « la cadence impressionnante à laquelle les festivals ou les salles ferment depuis quelque temps », de concevoir un outil permettant de cartographier les annulations de manifestations culturelles. Elle a invité les citoyens comme les élus à lui communiquer les informations concernant leur commune, et les a reportées sur une carte. Bilan, mi-février : 143 manifestations annulées cette année, dont une centaine de festivals.
Si le changement de couleur politique de certaines communes, à l’issue des élections de mars dernier, peut expliquer la fin de certains festivals, cela semble être loin d’être le cas général : c’est bien, dans la plupart des cas, la baisse des dotations qui oblige des maires à renoncer à organiser ces manifestations.
Dès la parution de ces informations, la ministre de la Culture a réagi en rappelant qu’elle avait lancé en décembre « un appel à toutes les collectivités locales » en proposant de « s’engager à leurs côtés en maintenant sur leur territoire les crédits de la culture pour les trois prochaines années, si elles acceptent aussi de stabiliser leurs financements ». Trois « pactes » ont été signés depuis, et la ministre en espère « une trentaine d’autres d’ici l’été ».
Ces déclarations choquent Annie Genevard, maire de Morteau (Doubs) et rapporteure de la commission culture de l’Association des maires de France, comme elle l’explique ce matin à Maire info. Pour elle, l’information dévoilée sur l’annulation de festivals n’a « absolument rien d’étonnant, hélas », vu l’ampleur « brutale et immédiate » de la baisse des dotations décidée par l’État. « Il était évident que ce qui allait souffrir en premier seraient les politiques volontaires. Les communes doivent bien continuer à assumer leurs dépenses d’équipement obligatoire sur la petite enfance, l’école, le sport… » La maire de Morteau rappelle que les communes « sont de loin les premiers financeurs de l’action culturelle, bien loin devant les départements et les régions. Les maires sont extrêmement attachés à l’action culturelle et n’y touchent que s’ils y sont absolument contraints ». D’ailleurs, Annie Genevard estime que « ce n’est pas un hasard si ce sont les festivals qui sont touchés en premier, c’est-à-dire l’événementiel et non le structurel ».
Quant aux déclarations de Fleur Pellerin, elles constituent pour la maire de Morteau « un effet d’affichage ». Annie Genevard trouve difficilement supportable qu’on mette ainsi « le maire dans la position du bon élève ou du mauvais élève : le bon élève aura ses financements garantis, et les autres non. C’est vraiment totalement méconnaître la réalité locale. Quand les maires suppriment un festival, ce n’est pas parce qu’ils méprisent la culture, c’est parce qu’ils n’ont plus le choix !».
Annie Genevard relève d’ailleurs que lorsque la ministre parle de « sanctuariser » les crédits, cela revient à les maintenir à un niveau « déjà très dégradé » et historiquement bas. Et les trois « pactes » signés par le ministère ne la convainquent pas plus : « Signer des pactes avec des grandes villes, c’est une chose. Mais je crains que le gouvernement ignore complètement tout ce qui se passe dans les villes de moins de 10 000 habitants. Partout sur le territoire il y a des petites villes et des villages qui s’engagent sur l’action culturelle. Je suis toujours frappée de voir à quel point, même dans certains petits villages, on se dote d’une politique culturelle – qui d’une exposition, qui d’une médiathèque, qui d’une résidence d’artistes… De toute cette richesse, le ministère n’a, je crois, aucune vision. »