Au premier regard, il semblerait que WhoArtYou soit un réseau social culturel de plus dans la longue liste des réseaux sociaux qui se créent depuis plusieurs années. Une différence cependant est à noter : au-delà de la volonté de démocratiser la culture et l’art via une pédagogie plus attractive, Who Art You se tourne vers les visiteurs de musées et de galeries d’art, ainsi que vers un public potentiel à conquérir.
Comme souligné plus haut, ce nouveau réseau souhaite apporter une forte dimension ludique de découverte des institutions culturelles et de leurs collections. A travers une application pour iPhone (en 2013 pour Androïd) et un site web (les deux en ligne fin novembre), le projet tourne autour de la prise de photos dans les lieux culturels et leur partage, de création de « musées imaginaires » (selon Malraux) personnels enrichis par de nombreux divertissements donnant lieu à des prix.
Ce projet, né il y a deux ans à l’initiative de deux passionnés d’art, Philippe Mira et Javier Perez-Sanchez, a pour ambition de démocratiser l’art par le jeu, en rendant attractive la pédagogie et la découverte des musées et des artistes.
L’application
L’application pour smartphone (application native, l’équipe de Who Art You n’ayant pas pensé à en développer une en HTML5) permettra d’équiper le visiteur d’une galerie ou d’un musée pour ses visites, avec des parcours notamment, mais également de prendre des photos dans des lieux géolocalisés. Tous les lieux seront géolocalisés à terme. Cependant, dans un premier temps, seuls le seront les institutions partenaires, le reste se fera manuellement.
Who Art You, via cette application, a également pour but de proposer de l’accompagnement de visite pour les musées. Comme dit plus haut, cet accompagnement consistera en un parcours, un audioguide, une aide à la visite : les musées (notamment ceux de petite et moyenne taille) apporteront le contenu, qui sera transformé et intégré dans l’application par Who Art You. Le réseau envisage de rendre payantes certaines fonctionnalités, notamment pour le musée.
L’accompagnement de contenu intéresse également les moyennes et petites galeries, non pas forcément parce qu’un audioguide ou une explication raisonnée sur le travail d’un de leurs artistes peut leur rapporter un public qualifié et acheteur, mais tout simplement parce que cela valorise leur travail de présentation de l’artiste et que cela fait vivre l’endroit. Enfin, il n’est pas impensable de se dire qu’elles investissent peut-être sur les collectionneurs et acheteurs de demain.
Egalement, les visiteurs pourront découvrir, grâce à l’application d’autres lieux, localisés sur l’appli, et qui s’afficheront selon les goûts et les affinités des membres. Une technique en quelque sorte dérivée de l’opt-in : l’internaute ou l’abonné d’un service (l’utilisateur de l’application en l’occurrence) donne son accord à la société (via l’application, ici) pour recevoir des informations qui lui sont adaptées, via le profil qu’il a renseigné. A l’heure actuelle, seule la géolocalisation out-door est disponible. Il ne sera donc dans un premier temps pas possible de rediriger le visiteur vers d’autres salles pouvant l’intéresser à l’intérieur du musée, comme pour le musée du Louvre, ou encore Beaubourg.
Le site
Le site servira tout d’abord de communauté. Il sera possible à chacun tout d’abord d’organiser sa collection personnelle de photos d’oeuvre, mais également de communiquer avec ses suiveurs, un peu à la façon de Pinterest.
Les images pourront être partageables entre amis ayant visité le même lieu et créer ainsi une sorte de Pannini culturel virtuel. Les personnes souhaitant s’échanger des images pour des lieux dans lesquels ils ne sont pas allés devront s’acquitter d’un petit forfait (montant non communiqué) afin de les pousser à aller visiter le lieu.
Le site présentera aussi un tableau de bord sur lequel l’utilisateur renseignera son profil et verra apparaître son classement pour les jeux.
Les jeux
Les jeux sur Who Art You seront principalement de deux ordres : créatifs et découverte. Créatifs, parce qu’ils pousseront les internautes/visiteurs à donner leur avis sur des œuvres : par exemple, l’application peut leur demander de sélectionner les 10 plus belles œuvres (selon eux) d’un musée, et pourquoi pas de réorganiser l’exposition en fonction du classement de ces œuvres, un peu à la façon des expositions participatives du Brooklyn Museum. Les jeux de découverte viseront à mieux faire connaître les collections auprès des visiteurs et à récompenser les meilleurs d’entre eux par des cadeaux, fournis obligatoirement par les musées partenaires. Les jeux ne s’arrêteront donc pas sur une plateforme, emprisonnant de fait le visiteur en-dehors du lieu d’exposition, mais le pousseront bel et bien in situ à la découverte d’un lieu culturel.
Bref, l’offre de base ne sera pas payante pour les visiteurs, a contrario, les musées et galeries auront une obligation de moyens : contenus à mettre à disposition, récompenses pour les joueurs, autorisation de prises de photos, etc.
Who Art You, un modèle économique pensé dès l’origine
Contrairement à de nombreux réseaux sociaux, comme Facebook, Twitter ou encore Pinterest, Who Art You a pensé dès le départ à établir une véritable structure économique.
Comme expliqué plus haut, les visiteurs auront accès à une version freemium de l’application et du site internet, certaines fonctionnalités étant payantes. Les musées et galeries, au-delà de la simple obligation de moyens, trouveront également auprès du réseau de nombreux services payants comme le conseil en communication (réseaux sociaux) auprès des musées, la publication de livres blancs sur la médiation et la pédagogie ludique dans les institutions culturelles et des analyses du comportement des amateurs d’art et de culture (selon les lieux géolocalisés visités, leurs goûts et les tendances de visite).
Who Art You souhaite que les musées se saisissent d’une véritable politique globale de communication et de médiation en direction de leurs publics : les jeux ne sont pas là que pour créer de la visibilité (même s’ils y participent), ils permettent également de tracer les visiteurs et de leur proposer un contenu adapté et attractif.
Enfin, une question que je me suis posée dès le départ de ce projet, mais peut-être est-ce une déformation professionnelle : quid des droits d’auteurs pour les œuvres partagées non tombées dans le domaine public ? Comment gérer la question des droits et éviter de tuer dans l’œuf ce projet de réseau social dédié à un secteur très protégé et très au fait de ses droits ?
WhoArtYou, la grande question des droits d’auteurs
De la photographie au musée
De façon à pouvoir se prévaloir d’une éthique irréprochable, Who Art You a cherché à comprendre le droit d’auteur et les utilisations possibles des images, souligne Antoine Roland.
Dès le départ, la question est venue sur le tapis. Le fait de partager des images d’une œuvre in situ ou sur un réseau dédié demande un minimum de connaissance en droit de la propriété intellectuelle. Bien que la photo ait été prise par un visiteur, l’artiste et l’œuvre (pour celles qui ne sont pas tombées dans le domaine public) bénéficie d’un statut du droit des biens et par conséquent l’utilisation de leur image est soumise à approbation (souvent après rémunération) de l’artiste et/ou des ayants-droits.
Who Art You a par conséquent procédé en deux étapes. La première a été de contacter et de nouer un partenariat avec l’ADAGP (la société française de gestion collective des droits d’auteur dans les arts visuels (peinture, sculpture, photographie, multimédia, …..)) via le versement de commissionnements, afin de couvrir les droits de reproduction, multimédia et copie privée pour les artistes français mais également étrangers. En effet, l’ADAGP représente en France ses homologues étrangers.
Enfin, un système de reconnaissance et copyright des œuvres est inclus dans l’application. Ce système fonctionnera par reconnaissance visuelle et grâce aux bases de données mises à jour et « prêtées » par les musées partenaires au réseau social. Les oeuvres non reconnues devront être renseignées par l’utilisateur.
Certains musées dont les oeuvres sont « tombées » dans le domaine public, comme le musée d’Orsay, interdisent la prise de vue des collection. Antoine Roland espère que le réseau social pourra faire évoluer ces positions, plus restrictives encore que la réglementation.